Thursday, April 21, 2011

Enregistrement maison made in Crozon

Par Leslie Trillot

Lou White est une jeune artiste franco-américaine qui réside à Las Vegas. Pleine d’ambition, elle vient de terminer l’enregistrement de son premier album. Loin des standards américains et des studios parisiens, c’est en Bretagne dans le village de Crozon Morgat qu’elle et son équipe ont décidé de prendre leurs quartiers.

Le ciel est dégagé, la bise est iodée, la mer est enjouée, il est 10h et la journée de Lou White vient tout juste de commencer. Sur la terrasse d’une belle maison bretonne, la jeune diva entame sereinement le cinquième jour de l’enregistrement de son album. Coiffure des 50’s, rouge à lèvres carmin, traits d’eye liner soigneusement dessinés, robe cintrée, talons hauts perchés, la chanteuse commence ses vocalises. La puissance de sa voix se devine, et ses références soul se dessinent. Sa douceur et sa beauté font qu’il est difficile de l’imaginer chanter avec autant d’intensité.

A l’intérieur l’ingénieur du son accompagné de son assistant effectuent les réglages avec les musiciens. Anciennement salon, la pièce principale de la maison a été complètement transformé et fait aujourd’hui place à une grande cabine de studio. Séparés par des murs de matelas recouverts de grands draps, les différents musiciens ont chacun leur espace. Le carrelage est recouvert de treize grands tapis, empruntés à la famille et aux amis, et de centaines de fils qui alimentent amplis, micros, casques, pédales et instruments.

Une fois les réglages terminés, l’enregistrement peut commencer. Le bruit des talons résonne sur le parquet de la maison, Lou rejoint sa cabine et place son casque sur ses oreilles. Isolée par des draps, la chanteuse est seule dans la pièce, ferme les yeux, respire profondément et s’approche des quatre micros installés devant elle. La maison est silencieuse, tous attendent le signal. Marc annonce qu’il est prêt tel un réalisateur qui débloque le compteur. Thomas le batteur fait le décompte, « Un, deux, un deux trois quatre » et les premières notes sonnent.

Le batteur, le bassiste, le guitariste et le claviériste prennent place derrière leurs nombreux instruments. Casques sur les oreilles, ils entendent les instructions de Lou et de l’ingénieur du son qui n’hésitent pas à commenter chaque prise de son. Véritable chef d’orchestre, celui-ci a sa propre pièce à l’étage de la maison. Pour y accéder ? Suivre les fils ! Derrière ses trois écrans, il synchronise les nombreuses entrées son. Les murs de cette ancienne chambre sont recouverts de consoles et de tables de mixage. Chiné sur internet et auprès de passionnés de vintage, le matériel disposé dans cette pièce est exceptionnel. Ici, chaque outil a une histoire. Les yeux émerveillés, Marc déballe sa plus belle trouvaille, un micro d’époque de 1935. « Je dis souvent que si celui-là pouvait parler, il aurait beaucoup de choses à nous raconter ». Soigneusement emballé dans plusieurs couches de draps et papier bulle, cet objet rare a gardé toute son authenticité. Ses lignes sont irrégulières, ses boulons sont instables, mais sa beauté est inégalable. « Ce n’est pas avec celui-là que Lou enregistrera ses voix mais cette petite merveille sera bel et bien sur scène avec elle ».
Un autre objet d’exception se trouve dans la salle des musiciens. Imposant et majestueux, l’Orgue Hammond trône au milieu de la pièce. 40 ans, 195 kilos et une puissance qui fait vibrer les murs, c’est un petit bijou qui demande beaucoup d’attention. Coton tige et chiffons à la main, le pianiste nettoie minutieusement chaque tirette une à une afin de perfectionner au maximum le son de l’instrument. C’est avec passion qu’il raconte l’histoire de cette rencontre. Déniché chez un voisin vieux musicien, l’instrument est passé entre plusieurs petites mains de magiciens pour se refaire une beauté avant d’être prêt à être réutilisé.
Ces jolies trouvailles ont été demandées par Lou. Déterminée et minutieuse, elle n’est pas seulement chanteuse mais également et surtout celle qui décide et supervise les opérations. Ce premier album lui tient particulièrement à cœur, « certaines de ces chansons ont huit ans, elles font parties de ma vie et je souhaite les enregistrer à la perfection en ne laissant rien au hasard ». Seule femme de l’équipe, elle commande ces messieurs et arrive à obtenir ce qu’elle veut. Même si le dialogue est totalement ouvert avec ses musiciens et qu’ils travaillent ensemble sur tous les aspects du projet, c’est elle qui valide ou non les propositions.


La pression commence à se faire ressentir au début de la cinquième prise. « Your Wife » est l’un des morceaux les plus technique de l’album. Lou laisse tourner sa voix témoin dans le casque des musiciens et descend les rejoindre. Elle les rassurent, les remotivent et s’installe avec eux. L’alchimie entre eux est palpable, artistiquement et humainement parlant, ce groupe se comprend. Un simple regard d’elle leur suffit, la sixième prise est réussie. Une fois le morceau dans la boîte, on enchaîne avec un second, puis un troisième. Pour les membres de son équipe, Lou c’est « Une patronne, une amie, une collègue, une artiste », sans oublier « un caractère bien trempé » et « une voix d’une belle rareté ».
La soirée est déjà bien entamée quand le bassiste endosse le tablier de cuisinier. Attablée autour de quelques verres, l’équipe entière débriefe la journée. Des rires, des conseils, des idées, des anecdotes, des chansons, tous partagent cette soirée en toute simplicité. Et quand en guise de dessert le bassiste détache ses longues rastas et offre un cours de salsa, « Lady diva » comme ils l’appellent là-bas emboite le pas pendant que le reste de l’équipe jouent de la musique pour accompagner tout cela. Après quelques pas de danse, Lou retrouve son micro et chante. Sans pression, tous profitent de cette recréation en revisitant quelques classiques de la musique. Le producteur s’improvise batteur, l’ingé son se met aux percussions, le batteur réinterprète les chœurs le guitariste devient bassiste, et Lou rend le piano fou.
Elle voulait un enregistrement authentique dans une ambiance artistique avec des gens unique, elle le voulait et elle l’a fait. A bientôt dans les Bacs Miss Lou White !






















No comments:

Post a Comment